Préparation du sol

Préparation du sol : techniques des anciens

Quelles sont les techniques que nos anciens utilisaient pour préparer le sol de leurs terrains afin de les rendre cultivables ?

Défoncement.

— La défoncement est une opération qui consiste à remuer la couche végétale totalement ou en partie selon sa profondeur, de sorte que la terre de dessus prenne la place de celle de dessous.
C’est en automne et pendant une partie de l’hiver que l’on doit effectuer ce travail et cela par un temps sec ou froid ; éviter d’opérer par un temps de pluie, car, pour peu qu’elles soient compactes de leur nature, les terres remuées ainsi sèchent très difficilement et, par suite, produisent un mauvais effet sur les racines des végétaux.

Tous les terrains n’exigent pas un défoncement profond : dans certains sols bas et humides, un bon fer de bêche suffit; une prairie naturelle, depuis longtemps exploitée, fournit ordinairement un excellent sol qui convient très bien aux plantes potagères, et là un défoncement profond ne serait d’aucune utilité. Pour cela, on se sert de la bêche. On commence par enlever le gazon par plaques minces que l’on dispose en tas carrés, et que l’on met par lits, la surface en dessous ; si le terrain où l’on opère manque de calcaire, on y intercale de la chaux vive en poudre, ou, à défaut, de la marne bien concassée, ou même du plâtre ; la fermentation
ne tarde pas à se produire, et, après une année passée en cet état, le tout ne forme qu’une sorte de terreau que l’on étend par parties égales sur des carrés en culture. Telle est la manière d’opérer de certains cultivateurs du centre de la France; elle est bonne à signaler et à imiter. Le gazon une fois enlevé, on commence le défoncement, en ayant soin de retourner les parties du dessus en dessous.

Lorsqu’un défoncement profond est nécessaire, on partage le terrain en carrés afin de procéder avec ordre, et de n’entamer que les parties où l’on peut terminer le travail. Après ce tracé, on ouvre une tranchée ou jauge variant de 70 à 80 centimètres et même 1 mètre de largeur. Les terres provenant de cette première tranchée seront transportées auprès de l’endroit où devra se terminer le travail. Quant à la profondeur, elle varie selon la nature du sol et l’épaisseur de la couche végétale, à 50 ou 60 cm au plus; cela est bien suffisant pour faire de la culture maraîchère.

La première tranchée ouverte, on en trace une seconde de même largeur, la terre de celle-ci sert à combler la première, puis l’on continue ainsi jusqu’à complet achèvement du travail, la dernière tranchée est comblée avec la terre de la première que l’on y avait transportée au début.

Les outils dont on se sert le plus communément pour effectuer ces gros travaux sont : la pelle allemande, la pioche pièmontaise ou corrézienne, la bêche. Quelquefois, on se sert aussi de la houe fourchue ou bècard.

Si le terrain est d’une grande étendue, on n’arrivera pas à le défoncer entièrement la première année. Dans ce cas, la partie défoncée sera réservée aux plantes à racines pivotantes, salsifis, carottes, etc., et l’autre partie, qui ne recevra qu’un bon labour à la bêche, sera réservée aux plantes à racines traçantes, pois, haricots, fèves, etc A mesure que l’on opère le défoncement, on étend sur la partie défoncée une couche de fumier à demi consommé. On le répand régulièrement, les pluies et les gelées successives en détrempent les sels qui s’infiltrent dans ce sol nouveau et le fertilisent. Lorsque cette couche de fumier est plus ou moins dépouillée de ses principes, un mois ou six semaines après, on étend une nouvelle couche que l’on enterre. Le sol, par ce procédé, peut recevoir dès la première année, toutes sortes de cultures.

En défonçant, on enlève tous les cailloux, tufs, ou pierrailles susceptibles de nuire à la végétation des plantes; tous ces matériaux seront enfouis dans les allées à la place de la bonne terre qu’on transportera dans les carrés. Par cet échange, on met chaque chose à sa place, en tirant parti de tout; les cailloux ou les pierrailles affermiront le sol des allées, et la bonne terre qu’on aura enlevée profitera au jardin en augmentant la couche végétale.

IMPORTANT : il est à noter que de nos jours pour un jardinage bio, la technique consistant à enterrer la terre du dessus sous la terre du dessous est totalement déconseillée. Lire (entre autres) les recommandations de Claude Bourguignon à ce sujet. Nous y reviendrons sur ce site dans d’autres articles.

Tracé.

— Le terrain étant unifié, égalisé dans sa composition, on achèvera de le niveler et on tracera les allées. Quant à la largeur et au nombre de celles-ci, on doit se rapporter à ce principe que, la culture étant le but, on ne doit détourner que le moins possible de terrain, en tenant un compte rigoureux des nécessités ou des commodités de l’exploitation; en se plaçant à ce point de vue, on tracera les allées nécessaires.

Dans le tracé et la direction des allées, on tiendra compte de la nature des lieux, de la position de l’eau, de la facilité dans sa distribution, de l’emplacement du puits d’arrosage, des fosses à fumier, des obstacles, fossés ou cressonnières, etc… Lorsque le terrain, par sa disposition, permet d’effectuer un tracé régulier, on commence par le diviser en traçant l’allée principale, qui doit être d’une bonne largeur, 1m50, et cela, dans le sens de la pente du terrain : on trace ensuite une autre allée transversale d’une largeur à peu près égale; après quoi, on divise le terrain restant en carrés, variant de 10, 15 ou 20 mètres de longueur, sur autant de largeur, qu’on sépare par des allées de 1 mètre. Ces allées seront bordées de plantes utiles, oseille, thym, fraisiers, sarriette, etc…

On choisira l’endroit le mieux exposé et abrité à portée de l’habitation, afin d’y établir les couches à semis ; au contraire, on placera à distance les fosses à fumier, à cause des exhalaisons malsaines qui s’en dégagent, on en dérobera la vue peu agréable, en plantant autour des fosses des arbres verts, tels que: thuya, ligustrum, laurier-thym, etc…

Bien qu’en général le voisinage des arbres fruitiers soit nuisible aux cultures potagères, si le défoncement est assez profond, on plante deux cordons de pommiers ou poiriers, le long des allées principales. Ces arbres qu’il faut élever à une certaine hauteur du sol, pour qu’ils nuisent moins aux cultures, seront dressés et taillés chaque année; il faut choisir pour cela des variétés d’une vigueur moyenne et se mettant promptement à fruits.



Amendements.

— Amender un terrain, c’est lui fournir les éléments dont il est dépourvu, c’est y introduire les substances améliorantes qui doivent en corriger la nature, pour le mettre en état de produire les végétaux qu’on a l’intention d’y cultiver. Il importe de ne procéder à un tel travail, qu’après avoir attentivement étudié le terrain, car c’est recomposer le sol; lui donner ce qui lui manque et dans une proportion telle, qu’il résulte de l’amendement une amélioration et non la stérilité qui pourrait se produire, si l’on opérait mal; c’est enfin procurer de la consistance aux terres trop légères, et de la porosité aux terres fortes.

Les terres compactes, argileuses, seront amendées avec succès, en y ajoutant une proportion raisonnable de sable maigre, cependant dans certains sols trop argileux, le sable ne pouvant se combiner avec les autres éléments, et tendant sans cesse à traverser la couche végétale, il arrive au sous-sol sans avoir agi. On se sert dans ce cas avec avantage de débris de terre cuite concassée, des coquilles d’huîtres brisées, de la cendre de houille, etc. On a également conseillé de soumettre à la calcination la croûte superficielle de la couche arable: car, sous l’effet de la chaleur du feu, l’argile se fendille, se durcit et, par suite, produit le même effet que le gravier. Ce procédé est bon et praticable dans certaines contrées où les amendements d’autre nature, n’étant pas à portée, deviendraient fort cher.

Les terres légères qui, en été, deviennent généralement brûlantes, seront amendées avec des corps compacts, mais d’une nature telle, qu’il puisse y avoir adhérence entre les deux parties, l’argile trop compacte ne produira qu’un amendement médiocre, les marnes argileuses seront préférables; les terres de marais, les terres de fouilles ou de déblaiement, les boues de rivières, les vases des citernes produisent d’excel- lents effets sur ces terrains, car non seulement elles servent
d’amendement, mais aussi d’engrais.

Les différents genres de marne que l’on peut employer sur presque tous les terrains « sauf les calcaires » produisent de bons amendements lorsqu’on sait en tirer parti, mais il ne faudrait pas en abuser, leur rôle n’étant pas celui d’engrais, la trop grande quantité serait nuisible. C’est ordinairement en automne qu’il faut conduire la marne sur le sol. On la dépose par tas; les gelées et les pluies de l’hiver en commencent la délitation, et au printemps on l’étale, et on la mélange
au sol. Dans la culture maraîchère, on se sert peu de ce genre d’amendement, qui est long et parfois coûteux.

Chaulage.

— Dans certains sols dépourvus de calcaire, le chaulage est une excellente opération qui en augmente considérablement la valeur et la fertilité, car non seulement la chaux est un bon amendement, mais elle détruit en même temps les insectes et les mauvaises herbes, elle favorise la décomposition des débris végétaux ou animaux renfermés dans le sol.

Tous les terrains, sans que cela dépende de leur composition, s’accommodent plus ou moins bien des amendements calcaires, c’est pourquoi nous conseillons de faire quelques essais partiels avant d’opérer sur de grandes étendues.

On emploie de la chaux en pierre sortant du four, que l’on dispose par petits tas, éloignés les uns des autres de 5 à 7 mètres; on les recouvre d’une couche de terre, d’environ 25 centimètres. Ils restent dans cet état une quinzaine de jours et, lorsque la fusion est complète, on profite d’une belle journée pour la répandre et ensuite l’enterrer aussitôt, en la mélangeant bien avec le sol. Le chaulage doit être renouvelé tous les cinq ans.

Drainage.

— Les terrains trop humides sont impropres à toutes cultures, il est alors indispensable de les débarrasser de cet excès d’humidité. On y parvient par le drainage, qui consiste à écouler l’eau par conduits souterrains. A cet effet, on creuse des fossés d’environ 80 centimètres ou 1 mètre, larges de 60 ou 80 centimètres; on lesespace de 5 à 15 mètres et plus, selon le degré d’humidité du sol où l’on se trouve.
Dans ces fossés, on établit une suite de tuyaux, en terre cuite, en béton ou en ciment, on les place bout à bout, en ayant soin de bien recouvrir les joints avec des tessons de brique ou de tuile, du gros gravier ou de la pierre cassée, afin d’empêcher la terre de s’y introduire; les tuyaux devront être assujettis au fur et à mesure qu’on les posera.

Dans certaines localités où la pierre est à portée, on peut remplacer les tuyaux par des conduits en forme de caniveaux, que l’on construit en disposant les moellons, ou bien encore en mettant, dans le fond des fossés, de la pierre brute. On y réserve le plus possible de cavités, on les recouvre ensuite avec du gravier, du mâchefer, des cailloux, de la pierre concassée, etc. On peut également faire un bon drainage avec des branches d’arbres verts et résineux qu’on place régulièrement en ménageant des cavités. Le bois de pin est préférable à toute autre essence, en ce qu’il ne pourrit que très lentement en terre. Ce dernier procédé est fort usité dans le sud-ouest, principalement dans les Landes.

Assainissement.

— L’assainissement ou drainage extérieur consiste à écouler les eaux à ciel ouvert, par de larges fossés que l’on creuse plus ou moins profondément, selon l’humidité du sol. Ces fossés seront dirigés dans le sens de la pente du terrain. Quand l’eau abonde et afin d’activer l’écoulement, on coupe les premiers fossés de fossés transversaux. Dans tous les cas, un fossé collecteur recevra le tout, déversant l’eau dans les parties les plus basses et, de préférence, dans un ruisseau.