Culture de la chicorée sauvage.
— La chicorée sauvage est très rustique, elle réussit à peu près dans tous les sols bien amendés. Elle s’accommode mieux cependant des terres profondes où elle plonge à l’aise ses longues racines.
On la sème depuis mars jusqu’en juillet ; les semis d’avril et mai sont les meilleurs et sont ceux qu’il faut spécialement choisir, car les plantes ne montent pas.
Dans les jardins, on la dispose en bordure et en plate-bande, on sème en pépinière ou en place en rayons peu profonds, de 3 centimètres environ, et distants de 20 ou 25 centimètres. Lorsque les jeunes plants ont quatre ou cinq feuilles bien développées, on éclaircit si l’on a semé en place et on les repique si l’on a semé en pépinières. Les sujet repiqués sont toujours plus beaux que ceux semés en place.
On donne un premier binage léger, aussitôt que l’on s’aperçoit que la terre durcit à la surface. On renouvelle l’opération plusieurs fois dans le courant de l’année et on arrose chaque fois qu’il sera nécessaire. Les plants que l’on élèvera en pépinière seront repiqués à 10 ou 12 centimètres sur la ligne, si le terrain est bon on obtiendra des sujets d’une beauté remarquable, qui produiront une quantité de feuilles.
Malgré son goût amer et sa rugosité, la chicorée sauvage est très recherchée comme salade ; elle doit être cueillie jeune pour être plus tendre et moins amère.
Pour avoir en hiver de la barbe de capucin, salade très estimée à Paris, dans le nord de la France et même à l’étranger, on opère de plusieurs façons. Nous allons indiquer quelques-unes des plus pratiques.
On commence à faire blanchir dans la seconde quinzaine de novembre. A cet effet, on prépare, dans une cave sombre ou un cellier, une petite couche de bon fumier de cheval ou d’âne. On arrache les chicorées, on les réunit par bottillons contenant environ vingt pieds chacun, en tenant les collets exactement à la même hauteur. On attache solidement avec un osier, on les place debout sur la couche, côte à côte, on forme les bords avec le fumier, au fur et à mesure qu’on place les bottes, on emplit les vides avec ce même fumier ou avec du terreau.
Lorsqu’on a fini de placer, on étend sur le tout quelques pelletées de terreau, puis on arrose. Au bout de quinze ou vingt jours, la chicorée est bonne à récolter, si on a le soin de couper les feuilles, au ras du collet sans l’endommager, elle repousse une seconde fois. Lorsque la végétation est épuisée, on remanie la couche, on y ajoute un peu de fumier neuf, et on peut y replacer d’autres chicorées sauvages.
On peut, à défaut de cave (cela est plus pratique pour les jardiniers), opérer sous châssis. Après avoir fait une bonne couche, on place les coffres, et on met la chicorée comme nous l’avons indiqué, on place les panneaux et on recouvre de paillassons et de feuilles par-dessus, afin de produire le plus d’ombre possible, nécessaire à l’étiolement.
Voici une méthode qu’il nous parait bon de citer : Dans la deuxième quinzaine de juin, on sème la chicorée sauvage en rayons distants de 30 centimètres et assez clair dans chaque rayon pour que les plantes puissent acquérir assez de force ; pendant la végétation, on arrose et on bine autant qu’il est nécessaire.
Pour faire blanchir en cave, j’emploie indifféremment les deux systèmes suivants : soit un cadre formé avec quatre planches et ayant 1 mètre de longueur sur 1 m ,50 ou 2 mètres de hauteur, que l’on appuie debout contre le mur à un endroit obscur de la cave, soit un ou plusieurs tonneaux, (même des tonneaux qui ont contenu du ciment) que l’on perce de plusieurs rangées de trous de 2 à 3 centimètres de diamètre et à 7 ou 8 centimètres de distance les uns des autres.
En novembre, on arrache une certaine quantité de racines proportionnée aux besoins de la consommation. On coupe les extrémités de ces racines et les feuilles, à 2 ou 3 centimètres du collet. Si l’on se sert d’un cadre, on ferme le devant de ce cadre en commençant par le bas, avec une latte à plafond. On remplit de terre jusqu’au niveau supérieur de cette latte, puis on pose les racines horizontalement sur cette couche de terre, le collet en avant et à 4 ou 5 centimètres les uns des autres ; on pose une seconde latte au-dessus de la première, en réservant entre elles un intervalle suffisant pour laisser passer les pousses, on recouvre d’une seconde couche de terre sur laquelle on place des racines ; on continue ainsi jusqu’au haut du cadre.
Si l’on emploie des tonneaux, on met également une couche de terre au fond jusqu’au niveau de la première rangée de trous qu’on garnit de racines, en faisant un peu sortir le collet, afin que le tassement de la terre ne les entraîne pas à l’intérieur, on continue ainsi à mettre terre et racines jusqu’au haut du tonneau qui, bien entendu, est défoncé. Les tonneaux, comme les cadres, doivent être placés dans le coin le plus obscur de la cave. En janvier, on peut établir de nouveaux cadres ou tonneaux, on a ainsi une salade abondante pendant l’hiver.
Bien que ce procédé donne, dit-on, de bons résultats, nous croyons qu’on peut réussir en opérant de la manière suivante .
Commencer par mettre dans une cave sombre une mince couche de fumier neuf qu’on mélange de fumier recuit, le disposer en rond et piétiner dessus fortement, placer ensuite les bottes de chicorée qu’on monte en forme de pyramide : à mesure qu’on place les bottes, on remplit les intervalles de fumier, qu’il faut bien piler avec la main. Les couches se trouvent superposées, avec un léger intervalle entre chacune d’elles. Une fois la pyramide montée, on termine en y jetant quelques pelletées de terre, puis on arrose le tout. De cette façon, on peut faire des tas de la hauteur et delà grosseur qu’on veut ; c’est un bon procédé que nous recommandons aux amateurs.
Dans certaines contrées, notamment aux environs de Paris, les cultivateurs n’arrachent pas les chicorées. Ils sèment à la volée, par planches, au commencement de juin, coupent les feuilles plusieurs fois pendant l’été et l’automne ; en hiver, ils couvrent avec de la bruyère, de la paille, du fumier, de la terre qui est prise dans les sentiers, on en met environ 4 ou 5 centimètres. Quand la chicorée a suffisamment poussé, on la coupe entre deux terres, comme on ferait d’une asperge.
Graines de chicorée sauvage.
— La chicorée sauvage, bien que vivace, monte à graine la seconde année. Cette graine est mûre en août septembre; on coupe les montants et on les expose au soleil ; lorsqu’ils sont assez secs pour faire détacher la graine du réceptacle, on les laisse passer la nuit dehors, pour les battre le lendemain ou bien on les mouille, et, deux ou trois heure après, on les bat avec un bâton, et on les frotte bien entre les deux mains. La graine se détache alors facilement; on la vanne et on la nettoie. Dans un gramme, il y a 700 graines, elles se conservent bonnes pendant huit années.
Maladies de la chicorée sauvage, Animaux nuisibles.
— Cette plante est atteinte des mêmes maladies que la chicorée frisée, et dévorée par les mêmes insectes. Voir ici
Que faire avec la chicorée sauvage.
— Les variétés à grosses racines servent à faire du café de chicorée. Ce genre de fabrication parait avoir pris naissance en Hollande, et s’est introduit en Belgique vers le commencement de ce siècle.
Les racines, après avoir été bouillies clans plusieurs eaux, peuvent se manger comme les salsifis.
En Suède, les pauvres font du pain avec la racine.
Comme fourrage pour les bestiaux, on dit la chicorée sauvage excellente. Les lapins surtout en sont très friands, et c’est pour eux une très bonne nourriture.
Elle peut donner plusieurs coupes par année, et durer huit ou dix ans.
Toute la plante teint en jaune faible.
Variétés.
— Chicorée sauvage amère de Paris. — Variété se rapprochant le plus de l’espèce type et d’où probablement sont issues toutes les autres variétés : feuilles longues, velues, fortement dentées, à lobes aigus, à côtes saillantes, vertes ou rouges. Placée dans un sol qui lui convient, elle donne beaucoup de feuilles qu’on peut couper plusieurs fois pendant l’été, les bestiaux les mangent soit vertes soit
sèches. Elle est la plus estimée et la meilleure pour faire la barbe de capucin.
Chicorée sauvage améliorée. — Diffère beaucoup de la chicorée sauvage ordinaire par ses feuilles larges, à peu près comme une scarole en cornet ; ondulée et cloquée, formant une petite pomme parfois compacte, assez dure et tendre, elle est rustique et produit beaucoup. C’est une variété des plus recommandables qui, dans certains cas, peut se blanchir comme la chicorée, et dont on peut obtenir d’excellente barbe de capucin.
Chicorée sauvage améliorée panachée. — Dérivée de la précédente dont elle possède les caractères, avec cette seule différence que les feuilles sont flagellées et maculées de rouge brun. Cette couleur est plus vive en raison de l’obscurité où la plante s’est développée, ce qui en fait une très jolie salade, une fois blanchie.
Chicorée sauvage améliorée frisée. — Variété paraissant être un croisement de la chicorée sauvage améliorée et de la chicorée frisée : les feuilles sont laciniées, découpées, on pourrait dire crispées; presque glabre. Ne pas semer ces variétés avant mai, car elles montent.
Parmi les variétés à grosses racines, nous citerons :
Chicorée à grosse racine de Brunswick. — Variété à feuilles découpées, presque étalées et longues, à racine grosse et longue. Elle est cultivée en grand en Allemagne et en Belgique, pour en faire du café de chicorée.
Chicorée à grosse racine de Magdebourg. — Variété à feuilles entières, dressées, peu ou point dentées, à racines très grosses, longues, lisses. On la cultive beaucoup dans le Nord pour la préparation du café de chicorée.
Chicorée à grosse racine de Bruxelles ou Withloof. — Variété issue de la chicorée à grosse racine de Magdebourg, très répandue et cultivée en grand en Belgique, où elle constitue une des principales salades d’hiver. Nous l’avons cultivée pendant longtemps ; elle nous a donné toujours de magnifiques résultats, aussi n’hésitons-nous pas à en recommander la culture.
La culture est la même que la chicorée sauvage amère de Paris : à l’entrée de l’hiver, on l’arrache, on la nettoie, en mettant de côté les sujets inférieurs ou trop petits, qu’on place à part. On coupe les feuilles à 3 ou 4 millimètres au-dessus du collet; on supprime les pousses qui se sont développées autour du collet, on coupe le bout des racines en les réduisant à peu près à une longueur égale. On les place dans une tranchée profonde de 40 ou 50 centimètres, dans laquelle on a déjà mis 20 centimètres de terre meuble ou de terreau.
On les plante dans ce terreau à 8 centimètres les uns des autres, le collet exactement à la même hauteur, et à 15 ou 20 centimètres en contrebas du niveau supérieur de la tranchée, laquelle doit être remplie du mélange dont nous avons parlé plus haut. Si on veut les faire entrer en végétation, on étend sur la surface 40 centimètres environ et plus, selon la température, de bon fumier de cheval ; trois semaines après, on peut commencer à récolter : pour cela, on enlève le fumier, on déterre la racine, et on coupe la pomme blanchie, en conservant une petite portion du collet. Les racines replantées après cette opération, et traitées comme la barbe de capucin, repoussent encore et développent plusieurs tiges qui sont excellentes.
Le withloof constitue une très bonne salade, tendre et appétissante. La régularité de sa pousse, qui forme une petite pomme assez serrée, fait qu’on l’apprécie mieux que la barbe de capucin.
Dans l’établissement public où nous avons dirigé les cultures maraîchères pendant près d’une dizaine d’années, nous opérions d’une façon très simple pour le blanchiment de notre
withloof, et voici comment : Les chicorées étaient arrachées de pleine terre à mesure des besoins, préparées et placées les unes à côté des autres sur une couche chaude, assez épaisse, construite avec du fumier frais, mélangé de quelques feuilles. Les plantes étaient enterrées jusqu’au collet, soit dans du sable, du terreau léger, de la tannée, du son de bois, etc.. Une fois placées, on les arrosait, puis on les recouvrait de 10 ou 15 centimètres de feuilles sèches ou de mousse. On plaçait les panneaux sur le coffre, et on les recouvrait de paillassons doubles ou triples, afin d’empêcher le jour d’y pénétrer ; huit jours après, on commençait à cueillir. Ce procédé est très rapide et à la portée de toutes les cultures.
Voici comment procède M. Délan : « Dans le courant d’août, je coupe les feuilles à 3 ou 4 centimètres au-dessus du collet : ces feuilles peuvent être mangées en salade, ou données aux lapins. Quand arrive le moment d’en tirer profit, ce qui a lieu depuis le mois de novembre jusqu’en mars, j’arrache ma chicorée, je fais la toilette des racines, en ne leur laissant que 20 centimètres de longueur ; je coupe les feuilles à environ 5 centimètres du collet, puis je place ces racines debout sous une cloche, les unes contre les autres, dans du terreau, sur un tas de feuilles. Ce qui vaut encore mieux, c’est un mélange de fumier et de feuilles qui, par une légère fermentation, produit une température de 10 à 15 degrés centigrades, ce qui active le travail. Pour faciliter l’étiolement des plantes, on couvre les cloches de fumier ou de feuilles. Dans ces conditions, cet état particulier d’étiolage s’obtient en douze ou quinze jours. On doit garantir avec soin pendant les fortes gelées, afin de ne pas manquer de plantes propres à la consommation. On doit renouveler le travail tous les huit ou quinze jours. »
Cette méthode nous paraît excellente, et convient particulièrement aux amateurs qui en consomment peu, car, en opérant comme l’indique M. Délan, on aura toujours de bons produits frais à sa disposition.
Culture de la chicorée sauvage aujourd’hui :