Planter la spergule
1. La spergule ou sporée, spergula arvensis, est peut-être de toutes les plantes fourragères celle qui s’accommode le mieux des terres sableuses et arides, et dont le fourrage donné en vert aux vaches influe de la manière la plus avantageuse sur l’abondance et la bonne qualité du lait. Elle se recommande aussi par l’avantage qu’elle offre de croître avec beaucoup de rapidité et de n’occuper que très peu de temps le terrain.
On distingue deux variétés de spergule cultivée : l’une à la tige beaucoup moins élevée que l’autre, mais elle talle davantage. La première variété convient mieux pour être pâturée sur place par le bétail que pour être fauchée, et réussit mieux dans les terres arides et sablonneuses, les seules sur lesquelles on soit dans l’usage de semer la spergule. La dernière variété est préférable lorsqu’on veut la semer dans une terre riche et bien préparée, pour la faucher par la suite. Ces deux variétés se distinguent à leur graine : la semence de la plus petite est noire, et entourée d’un cercle blanchâtre; celle de la seconde est brune, presque toujours dépourvue d’anneau, et, lorsqu’on l’examine de près, semble picotée de jaune et de noir.
Un botaniste, en mélangeant les graines des deux variétés, a donné naissance à une espèce intermédiaire qui réunit la hauteur de la grande et l’épaisseur de la petite, et réussit d’une manière toute particulière dans un terrain de qualité médiocre, et peut être à volonté fauchée ou pâturée par le bétail.
La spergule se cultive pour fourrage dans quelques parties du nord de la France, dans le Hanovre, sur les montagnes du nord de l’Espagne, et surtout en Belgique et en Hollande.
Semer la spergule
2. La spergule végète avec force dans les terres sableuses les plus légères.
La spergule se plaît dans les sables les plus arides, pourvu qu’elle ne manque pas d’eau pendant sa végétation; mais sa vigueur et son produit sont très variables, suivant la richesse du terrain qu’elle occupe. On la sème rarement dans les terres fortes et bien fumées, où la culture du trèfle offre beaucoup plus d’avantage, elle est néanmoins d’une grande ressource pour remplacer les trèfles et les sainfoins qui ont manqué car sa croissance est si rapide qu’elle est bonne à être fauchée deux mois après qu’elle a été semée, à moins que la germination de sa graine n’ait été retardée par une sécheresse excessive.
3. La spergule se sème après un labour et un hersage.
La spergule réussit toujours, pourvu qu’elle trouve à la superficie du sol une couche de terre bien pulvérisée; mais ce qu’il ne faut jamais négliger, c’est de passer le rouleau sur le terrain immédiatement après les semailles. M. Siebert a fait une expérience qui prouve que cette opération est indispensable. Il ensemença le 1er juin deux pièces de terre en spergule, à raison de 20 livres, et fit passer le rouleau sur l’une, et non sur l’autre. La plante crut à souhait sur la première, atteignit une hauteur de 60 cm, et donna une bonne récolte; sur la seconde, au contraire, elle se montra très inégale, ne s’éleva pas aussi promptement, parce qu’elle était étouffée par les mauvaises herbes, et n’atteignit qu’une hauteur de 30 cm.
4. La spergule peut se semer de mars en août, à raison de 50 à 70 kilogrammes de graine par hectare. Beaucoup avancent que la meilleure époque serait du 25 mars an 5 avril.
5. On la sème seule ou avec un mélange d’autres graines.
On a essayé de la semer avec du trèfle ; il se trouve que la prompte végétation de la spergule procure un abri très salutaire aux jeunes plants du trèfle qui poussent avec vigueur lorsqu’elle est fauchée. Il peut être avantageux dans certains cas d’en semer parmi les céréales à l’époque où elles commencent à monter en épis, le chaume forme alors après la moisson un pâturage abondant.
6. La spergule n’exige aucun soin pendant sa végétation.
7. Elle se fauche lorsqu’elle est en pleine fleur. Sa fenaison est la même que celle du trèfle.
8. Son produit est très variable. On peut en moyenne le considérer comme égal à la moitié de la coupe qu’aurait donnée le trèfle dans un terrain de même nature.
9. La spergule convient surtout pour les bœufs, et pour les vaches, dont elle augmente le lait d’une manière particulière.
M. Siebert a trouvé que les chevaux montraient de la répugnance pour la spergule, mais que les bœufs et les vaches en mangeaint avec avidité , de préférence au trèfle qu’on leur présentait en même temps. Il a remarqué que deux jours après que ses vaches eurent commencé à en manger, leur lait augmenta d’une manière remarquable, gagna en saveur, et devint plus épais.Dans les pays où cette plante se cultive en grand, comme par exemple dans le Brabant, le beurre que donnent les vaches qui en sont nourries se distingue par une saveur toute particulière, et est très recherché sous le nom de beurre de spergule.
10. La spergule, lorsqu’on la laisse parvenir à sa maturité, donne une quantité de graine assez considérable.
On peut tirer de l’huile de cette graine, mais il vaut généralement mieux l’employer pour la nourriture des bestiaux : car il est démontré qu’elle est très nourrissante. On la donne aux animaux sous forme de breuvage ou mélangée avec de la paille bâchée; mais il faut avoir soin de la faire auparavant tremper dans de l’eau bouillante, pour lui enlever sa puissance germinative : sans cette précaution, elle passerait à travers le corps du bétail, intacte, sans perdre sa force vitale, et par conséquent sans lui profiter.
En Norvège et en Suède, les paysans pauvres recueillent la graine de spergule pour en faire du pain. Quelques agronomes prétendent qu’elle est bonne pour les pigeons et les poules, qu’elle engraisse, échauffe et fait pondre plus fréquemment.