Un terrain, bien que d’une nature fertile serait promptement épuisé, si on ne lui rendait pas par les engrais les principes et les sels fertilisants qu’il a perdus par les cultures successives que l’on y a faites. Ce n’est donc que par ce moyen que l’on entretient et perpétue la fécondité du sol.
Fumiers et engrais naturel.
Les Fumiers
— Les engrais les mieux connus et appréciés des jardiniers sont les fumiers pourris ou consommés; celui des chevaux, ânes ou mulets,
et le plus apprécié, et, par conséquent, celui que l’on emploie le plus. A l’état frais, ces fumiers donnent une chaleur douce qui dure assez longtemps, et que l’on utilise en hiver pour la confection des couches, destinées aux plantations et aux semis de primeurs. Lorsque la décomposition est complète, le terreau qui en résulte forme la base des cultures ou couches.
Dans un potager, rien ne doit être perdu; tous les détritus des végétaux provenant de l’habillage des légumes, les herbes, les balayures, enfin tout ce qui est susceptible de se décomposer par la fermentation devra être réuni en tas; seuls, ces détritus ne formeraient qu’un engrais, non pas de nul effet, mais d’une trop lente efficacité. c’est pourquoi, il est préférable de les associer à d’autres fumiers d’animaux qui, tout en les bonifiant, en activent la fermentation.
Tous les terrains ne s’accommodent pas des mêmes engrais aussi devront-ils être répartis avec discernement, selon la nature et le besoin du sol.
Le fumier des bêtes à cornes, qui est gras et onctueux, convient aux terres légères et chaudes; en les fertilisant, il leur donne la ténacité qui en lie les parties et y conserve une certaine humidité.
Le fumier de porc, qui est très froid, convient aussi à ces mêmes terrains.
Les fumiers de chevaux, mulets et ânes, à moitié pourris conviennent aux terres froides et humides, il les allége en divisant les parties. Ce genre d’engrais est le plus répandu, il convient en général à toutes les terres, à condition de laisser la décomposition s’opérer selon la nature du sol auquel on le destine.
Les fumiers de lapins et de moutons sont très chauds et activent énormément la végétation.
La fiente de pigeons et de poules, autrement dit colombine, est l’engrais le plus puissant que l’on connaisse; on ne devra l’employer qu’avec circonspection, car il est tellement chaud qu’il brûlerait les racines des plantes. En le faisant tremper douze à quinze heures dans de l’eau, le purin qui en résulte est excellent pour activer la végétation des plantes potagères, principalement des cucurbitacées.
Les matières fécales sont des engrais très énergiques qui donnent toujours de bons résultats, mais qu’il faut employer avec discernement. Employées seules, elles brûleraient les plantes; mélangées aux fumiers, elles produisent une fermentation très rapide, et, par suite, un engrais stimulant au plus haut degré dont toutes les plantes s’accommodent, les choux principalement.
Quel que soit le genre de fumier dont on se servira, nous conseillons de ne point l’employer sortant de l’écurie; il faut le mettre en tas, quelques jours, pour que la fermentation et même la décomposition commencent à se produire.
L’hiver, l’automne et le commencement du printemps sont les saisons les plus favorables à la fumure des terres ; cependant, lorsqu’on fait de la culture intensive, on fume en toute saison lorsque le terrain est prêt, et à chaque culture nouvelle, pour ne pas épuiser le sol; encore il y a exception à cette règle, car les légumes-racines, tels que carottes, salsifis, ne s’accommodent pas ou s’accommodent mal des fumures récentes.
Dans nos excursions à travers la France, nous avons remarqué que, dans certaines contrées, les cultivateurs ne savaient pas recueillir et disposer leurs engrais : au fur et à mesure que le fumier sort de l’écurie, on l’entasse inégalement dans un coin, dehors ou en plein air, exposé au soleil, à la pluie, à tout ce qui le dessèche et en détruit les principes solubles et volatils. Par ce procédé, la fermentation ne s’opère que très inégalement, il en résulte alors un mauvais engrais dépourvu de stimulant, et ne fertilisant qu’imparfaitement le sol. Les cultivateurs qui traitent leurs engrais de cette façon n’ont jamais de bons résultats, il n’y a pas lieu de s’en étonner.
Pour avoir un bon engrais, il faut procéder autrement. On creuse des fosses plus ou moins profondes, selon les nécessités de l’exploitation, depuis 50 centimètres à 1 mètre et plus, larges de 2 à 3 mètres, longues de 4 ou 5 mètres. Le fond des fosses est disposé en pente; dans la partie la plus basse, on réserve un trou d’une certaine largeur destiné à recevoir le purin que l’on retirera à mesure que le trou s’emplira pour le répartir sur divers carrés en culture. A l’époque des chaleurs, on arrosera souvent les engrais en fermentation avec ce purin, pour en activer la décomposition.
Lorsque l’on pourra construire des fosses à fumier en maçonnerie, enduites de ciment à l’intérieur, on ne devra pas négliger de le faire, on y gagnera parce que les engrais liquides ne pourront plus s’échapper par l’infiltration; on peut aussi, ce qui est moins dispendieux, enduire le fond des fosses et même les parois avec de la terre glaise, dans laquelle on mettra un peu de chaux hydraulique.
Les engrais
Les cendres de bois lessivées, ou charrèes, la suie et le plâtre, bien que n’étant pas considérés comme engrais propre, peuvent être employés comme de bons stimulants; ils influent sur la végétation en excitant les organes des plantes à puiser plus de nourriture dans la terre et dans l’atmosphère.
On les répand sur les plantes, lorsqu’elles commencent à se développer, par un temps sec et chaud. Le plâtre est particulièrement bon pour les crucifères, navets, choux, etc.
La plume de volaille est un engrais très puissant qui n’est pas aussi répandu qu’il devrait l’être. Les maraîchers du Sud-Ouest l’emploient beaucoup. Il donne de très bons résultats, sur toutes les plantes potagères. Son effet est pour ainsi dire immédiat, mais de peu de durée, deux mois environ, ou soixante-dix jours suffisent à cet engrais pour donner tout ce qu’il lui est possible. On peut l’employer en toute saison et les résultats sont toujours excellents, de préférence cependant lorsque la végétation est active au printemps et pendant la belle saison. Les légumes foliacés, c’est-à-dire ceux dont les parties aériennes se mangent, tels que salade, choux, épinards, oseilles, etc., semblent mieux s’en accommoder que les légumes racines.
Les jardiniers opèrent de plusieurs façons pour employer cet engrais. Si c’est un semis, c’est en bêchant le terrain, après avoir mis le fumier dans la jauge, qu’ils étendent par-dessus une couche de plumes, afin qu’elle se trouve environ à 5 centimètres du sol. Pour les plants repiqués, les choux, les tomates, etc., ils en mettent une poignée à chaque pied, en ouvrant un trou avec la houlette ou avec la main. Dans les contrées où les plantations se font à la houe, c’est en formant les rayons qu’il faut mettre la plume.
Autant que possible, n’employer cet engrais que lorsqu’il est frais, c’est-à-dire avant qu’il ait subi aucune espèce de fermentation.
Engrais liquides.
– Tous les jus de fumiers ou purins produisent d’excellents engrais. Ils activent la végétation; il faut les employer le matin ou le soir, surtout pendant les chaleurs. On veillera à ce que les feuilles des végétaux que l’on arrosera n’en soient pas trop saturées.
Les matières fécales fraîches, délayées dans dix fois leur volume, sont excellentes pour activer la végétation de toutes les plantes potagères; n’aurait-on que cet engrais à sa disposition, on est toujours certain d’avoir de magnifiques résultats. Ne jamais l’employer sans que les plantes soient parfaitement reprises.
Paillis.
— Le paillis est du fumier court, plutôt sec que gras, que l’on emploie à couvrir les planches en culture pendant toute la belle saison, afin d’intercepter les rayons desséchants du soleil et d’empêcher la terre d’être battue par l’eau des arrosages.
Les semis se trouvent bien d’être recouverts d’un léger paillis : car, tout en conservant l’humidité, il empêche les graines d’être dérangées par les arrosages pendant leur germination; on l’étend le plus régulièrement possible, en divisant bien les molécules. C’est particulièrement aux terres sèches et brûlantes qu’il faut l’appliquer.
Terreau.
— Le terreau est le résultat de la décomposition complète des fumiers, herbes, feuilles, etc., réduits à l’état de terre friable. Le terreau provenant des couches confectionnées avec des fumiers de chevaux est regardé comme le meilleur. On s’en sert pour recouvrir les semis de pleine terre dont la graine est fine, ce qui en protège et en assure la levée; on l’emploie aussi à charger les nouvelles couches pour la culture des primeurs, et à recouvrir les semis que l’on fait en pots.
Il est toujours bon d’avoir à sa disposition une assez grande quantité de ces terreaux.