Culture de l’ananas
L’ananas si exquis et si beau, qui ne fut longtemps présenté que sur les tables somptueuses, fait aujourd’hui partie des cultures de tout jardin soigné, et figure, sans de trop grands frais, parmi les fruits qui ajoutent tant d’éclat et de délicatesse à nos substances alimentaires.
On ne cultive en France que l’ananas à couronne, dont la chair est blanche ou jaune. Il se multiplie, avec le plus d’avantage, au moyen de la couronne que l’on détache du fruit quand on le mange, ou bien par les œilletons qui naissent à la base et le long de la tige. On opère cette séparation, soit en éclatant avec adresse, soit en tordant, soit en coupant ces parties destinées à la reproduction. Les œilletons ont besoin d’être dépouillés des feuilles inférieures qui revêtent la partie à mettre en terre. On laisse leur plaie se sécher à l’air pendant une huitaine de jours. Le vieux pied d’ananas, sur le haut de la tige duquel on a coupé le fruit, continuera de donner des œilletons, bons à planter dès qu’ils auront acquis la grosseur d’une noisette.
Plantation de l’ananas
C’est au commencement de l’automne ou même dès la fin de l’été que l’on plante ou la couronne, ou les œilletons de l’ananas, afin qu’ils aient le temps de s’enraciner avant l’hiver. Comme les œilletons sont plus tôt disponibles que la couronne, il y a de l’avantage à les employer, puisqu’on peut les mettre en terre dès le mois de mai, et qu’ils acquerront pendant l’été assez de vigueur pour ne pas redouter la mauvaise saison.
Dans un châssis convenablement disposé, on établit une couche de fumier neuf et de feuilles, présentant une épaisseur suffisante pour produire et conserver une forte chaleur.
Au-dessus on dresse 30 à 35 centimètres de tannée neuve, ou, à défaut de cette substance, de la mousse qui, bien pressée, conserve parfaitement la chaleur. C’est là qu’on enfoncera de petits pots de 15 centimètres de diamètre, pourvus de plusieurs fentes à leur partie inférieure. D’abord , on presse au fond 2 centimètres de gravier, sur lequel on met un composé bien mélangé de 2 parties de terre franche, d’une partie de terreau de bruyère, et d’une autre partie de terreau de vieille couche et de fumier gras consommé. Le tout manié quelques mois d’avance, à plusieurs reprises consécutives, et tenu à l’abri de la pluie. C’est dans ce mélange, très légèrement humecté, qu’on plante un œilleton; puis ou enfonce les pots dans la tannée ou la mousse.
On n’attendra pas, comme pour le melon et d’autres plantes, que la couche ait jeté son feu, puisque, pour la reprise des jeunes ananas, une chaleur de 20 à 40 degrés est nécessaire. Ces 20 degrés au moins, pour la première année, seront élevés à 25 pour la seconde, et à 30 pour la troisième.
Le châssis sera gouverné, comme à l’ordinaire, c’est-à-dire qu’on emploiera des paillassons quand on craindra que le froid n’abaisse les degrés indiqués, qu’on voilera pendant les coups de soleil trop brûlants, et qu’on donnera de l’air à propos.
Les jeunes plants d’ananas ne sont pourvus de petites racines qu’au bout de vingt jours environ. Alors, au moyen de ces racines, la plante peut tirer de l’eau du sol où elle s’est empattée : c’est le moment de lui procurer quelques légers arrosements dont on augmente la dose à mesure que la végétation s’accroit, et que la chaleur s’élève. L’eau que l’on emploiera sera chauffée au soleil, afin qu’elle soit tiède. On la fera pleuvoir légèrement dans le châssis, au moyen d’une seringue d’arrosement dont la pomme est percée de petits trous. Ainsi on imite les bonnes pluies fines et chaudes, qui sont si favorables à la végétation et si nécessaires aux plantes délicates, pluies que suit avec tant d’avantages un véritable bain de vapeur.
Si, vers la fin de juillet, la couche s’est trop affaissée, ou bien si, malgré ses réchauds, le froid s’y est introduit, en transportera les pots dans une autre couche bien chaude, opération à laquelle on n’a ordinairement recours qu’au mois d’octobre.
On dispose alors un nouveau châssis et une nouvelle couche, comme nous avons prescrit pour les premiers. C’est là que, par un beau jour bien chaud, on transfère les pots d’ananas, pour y passer l’hiver, mais avec le secours des réchauds, dont la chaleur peut durer un mois, au bout duquel on les renouvèle jusqu’à ce que le beau temps soit revenu. Durant l’hiver, le châssis sera couvert de paillassons, tant que, pour l’échauffer, on n’aura pas la chaleur d’un soleil pur.
Il serait plus avantageux, mais plus coûteux assurément, de faire servir à la culture de l’ananas les bâches et les serres chaudes basses.
Faire pousser l’ananas
Dix à douze mois après leur plantation, les ananas, devenus fortement enracinés, ont besoin d’être transférés dans des pots de 15 à 20 centimètres de diamètre. Le temps sera doux et même chaud; on emploiera une terre composée comme la première dont on a fait usage. Pendant cette opération, on nettoie les plants, on coupe proprement celles des racines qui seraient trop altérées, et les extrémités des autres sont mises à nu, sans égrainer la totalité de la motte. Comme la première fois, on garnira de gravier le fond des pots, puis, sur une couche suffisante de la terre composée, on dispose les racines, et on les distribue de manière qu’elles ne puissent pas s’enchevêtrer. Ces jeunes ananas seront enfoncés jusqu’au collet qui affleurera les bords du pot, et l’on regarnit de terre légèrement pressée les intervalles entre la motte, les racines et le vase.
L’arrosement se fera avec de l’eau que le soleil aura rendue tiède. Au bout de quelques heures, qui auront permis à la terre de se ressuyer, on placera les nouveaux pots sous un châssis plus élevé que le précédent, de manière à ce que les jeunes plants soient bien rapprochés du vitrage, mais ne le touchent pas.
La transplantation, dont nous venons de parler, peut se différer jusqu’au mois de mai. Alors, au lieu de rempotter les ananas, on peut les planter, quand ils sont près de fleurir, en pleine terre dans le châssis. Ils y développent leurs racines plus à l’aise, poussent vigoureusement, parce que la terre sera composée comme nous avons indiqué pour les pots, et ne manquent pas de produire des fruits plus gros et plus parfaits que ceux qu’on obtient par l’autre procédé.
A la troisième année, si on a continué d’élever en pot l’ananas, on le dépote au mois d’avril, et on le transporte dans des pots d’un diamètre de 25 à 35 centimètres.
Comme, dans cette troisième année, la plante acquiert son plus grand développement et va se mettre à fruit, on augmente les arrosements qui ont l’avantage de maintenir des bains de vapeur, et on ne permet pas à la chaleur de descendre au-dessous de 37 degrés.
Aussitôt que le fruit est noué, on multiplie les arrosements, on maintient la chaleur à un haut degré, afin qu’il acquière promptement le plus gros volume désirable. Quand il touche à la maturité, on maintient toujours une forte chaleur; mais on donne moins d’arrosements, et par conséquent, de bains de vapeur, qui auraient l’inconvénient d’affaiblir l’arôme, la finesse et l’excellence de la saveur de ce fruit délicieux. C’est, comme pour les melons, à sa couleur et à son odeur qu’on reconnaît qu’il est mûr. On le garde, après l’avoir cueilli, pendant deux ou trois jours à la fruiterie, où son principe sucré finit de s’élaborer. Il est alors parvenu à la plus grande perfection où il lui soit donné d’atteindre dans nos climats.
Planter un ananas aujourd’hui :